La Grèce face à la dette et à l’Europe

Que faire en solidarité avec le peuple grec ?

par Pascal Franchet

2015-03-26 01  PascalLe CADTM s’appuie sur plus de 25 ans d’expériences acquises à combattre les dettes illégitimes, odieuses et illégales, ainsi que les plans d’ajustement structurels dans les pays du Sud de la planète, pour lutter aujourd’hui contre la dette et les plans de rigueur, d’austérité et autres mémorandums appliqués aujourd’hui dans les pays du Nord de la planète, principalement en Europe.

Le parallèle n’est pas innocent car ce sont les mêmes schémas appliqués depuis 1982 par le FMI dans les pays du Sud qu’on voit mis à l’œuvre aujourd’hui par la Troïka et tous les gouvernements de l’Union Européenne.

Pour tenter de répondre aux questions posées par l’énoncé de cette soirée à ces questions, je voudrais aborder brièvement, et donc obligatoirement de façon limitée et incomplète, 5 points pour ouvrir le débat.

Ces points sont les suivants :

Quels sont les enjeux nouveaux posés par la victoire de Syriza le 25 janvier dernier ?
Que montre le comportement des institutions européennes (et au passage la question de l’euro)
Quel est le contenu de l’accord signé le 2O février dernier ?
Quelle place prend l’audit de la dette grecque annoncé le 17 mars ?
En cas de défaut de paiement, quelles incidences pour le portefeuille des contribuables français ? « ça va nous coûter 600-700€ par personne » !

1 - Quels sont les enjeux nouveaux posés par la victoire de Syriza le 25 janvier dernier ?

Dans ce ciel sombre, qui s’est abattu sur les pays européens avec l’avènement du néolibéralisme au début des années 1980, est apparue, le 25 janvier, dernier une éclaircie qui contraste considérablement avec les orientations dominantes depuis des dizaines d’années.

C’est en effet la première fois depuis la fin de la deuxième guerre mondiale qu’un mouvement social anti-austéritaire porte au pouvoir en Europe un parti politique de gauche en rupture avec la social-démocratie.

Pour les grecs, il s’agit de tourner la page de 6 ans de reculs sociaux qui ont laminé l’économie du pays (recul d’un ¼ du PIB et 30% des entreprises ont fermé) et provoqué un désastre humanitaire : un chômage à 27% , celui des 15-25 ans proche de 60%, des salaires en recul de 38%, les retraites de 45%, plus d’un tiers de la population n’a plus de couverture sociale, 40% des hôpitaux ont fermé. En Grèce, on meurt faute d’accès aux soins et aux médicaments.

Si les enjeux sont considérables pour le peuple grec (sortir de l’austérité, répondre à la crise humanitaire), ils ne sont pas moins importants pour les autres peuples européens en lutte contre l’austérité. Les combats contre l’austérité posent toujours, et c’est aujourd’hui un frein aux mobilisations, la question du débouché politique.

On ne s’y trompe pas. La manifestation organisée à Madrid, par PODEMOS, le 31 janvier, n’aurait pas connu un tel succès si le résultat des élections grecques avait été différent.

C’est la FGTB, le 1er syndicat belge, qui a le mieux exprimé l’espoir suscité par cette victoire électorale en titrant son communiqué du 26 janvier : « Merci les grecs, au revoir Tina ! » TINA = le fameux « There is no alternative » prononcé le 25 juin 1980 par Margaret Thatcher.

En France, les mobilisations démarrent doucement. Il faut espérer qu’elles s’amplifient. Le 9 avril, à l’appel de la CGT, de la FSU, de Solidaires et de FO, nous serons en grève et en manifestations. C’est pour nous l’occasion de faire le lien entre le soutien au peuple grec et notre propre combat contre l’austérité.

Le 1er mai également pourra aussi être opportun pour continuer à faire vivre la solidarité internationale des peuples en lutte.

Pour l’ensemble des peuples européens en lutte contre les politiques austéritaires, une brèche est ouverte pour un autre débouché politique qui rompe avec le néolibéralisme imposé par les conservateurs et par les socio- démocrates.

Une autre voie que le populisme d’extrême droite est envisageable. Elle passe par la construction de l’Europe des luttes.
2 - Que montre le comportement des institutions européennes (et au passage la question de l’euro)

Les institutions européennes ont réagi très vite et d’emblée sont entrées en conflit avec le nouveau gouvernement grec démocratiquement élu.

2 formes d’agression sont mises en œuvre : l’une institutionnelle, l’autre purement idéologique.

Dès le 4 février, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé qu’à partir du 11 février 2015, elle cesserait d’accepter les titres de la dette grecque comme garanties (ou « collatéraux ») pour accorder des prêts aux banques, dans le cas où le programme d’ajustement ne se poursuivrait pas.

Certes, les banques grecques peuvent toujours opter pour le mécanisme de déblocage de liquidités d’urgence (ELA= sigle en anglais) de la part de la
banque centrale grecque, qui assumerait le risque. Le financement par le biais de l’ELA coûte de surcroît plus cher : 1,55 % contre 0,05 % pour le financement de la BCE. Toutefois, cette deuxième option pourrait également être mise à mal par un vote en ce sens d’au moins deux tiers du Conseil des Gouverneurs de la BCE.

Ce conseil des gouverneurs est composé d’un directoire de 6 membres (les économies les plus riches) et des 19 gouverneurs des banques centrales de la ZE. Ce vote des 2/3 est parfaitement envisageable au vu de l’unanimité anti Syriza de l’Eurogroupe (l’Eurogroupe remplace de fait le conseil européen des ministres des finances = ZE +GB).

Le comportement brutal (certains parlent d’un coup d’état financier) des institutions européennes montre le caractère antidémocratique du traité constitutionnel. Comme l’affirmait le luxembourgeois Jean-Claude Junker dans une interview au Figaro dès le 29 janvier : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

La forme idéologique de l’agression se fait à longueur des médias européens (journaux, télés, etc.).

Une campagne idéologique, par peur de contagion, est orchestrée. Depuis décembre 2014, elle brandit la menace de l’expulsion de la Grèce de la zone euro, ce qui conduit les épargnants grecs à vider leurs comptes bancaires.

2015-03-26 02 la zone euroDes milliards d’euros sont retirés chaque semaine menaçant les banques grecques et obligent le nouveau gouvernement à intervenir, vidant le peu de réserves que le gouvernement Samaras a laissé dans les coffres de la banque centrale grecque.

Il existe une troisième mesure récente discriminante pour la Grèce. La BCE a décidé d’un programme de rachat des dettes publiques à hauteur de 60Mds par mois jusqu’à 1140 Mds d’euros (l’équivalent de ce que pratiquent déjà la FED, la Banque d’Angleterre ou la Banque Centrale du Japon). La Grèce est exclue de ce système de rachat de titres de la dette publique.

Enfin, il y a les menaces directes comme celles proférées par le Président de l’Eurogroup, disant que le contrôle externe des capitaux restait chose possible comme cela a été le cas pour Chypre ou encore le comportement de la Commission européenne qui juge néfaste le projet de loi des 100 mensualités sans pénalités pour arriérés d’impôt. Cette loi, votée aujourd’hui (le 19mars), permettra le rétablissement de l’électricité (et du chauffage) pour ceux qui en ont été privés (l’impôt étant lié aux factures d’électricité). C’est une loi en réponse à l’urgence sociale causée par les différents mémorandums.

Quitter ou pas la zone euro ?

La menace d’expulsion de la Grèce de la ZE n’a aucun fondement juridique, mais 2 cas de figure peuvent toutefois se présenter, alors qu’à 75% les grecs ne souhaitent pas aujourd’hui quitter la zone euro.

L’assèchement total des liquidités peut amener la Grèce à changer de monnaie.
Face au chantage et à l’impossibilité d’appliquer le programme choisi par le peuple grec, la décision peut émaner du gouvernement, au travers d’un référendum ou non.

Quelles seraient les conséquences pour l’économie grecque de l’adoption d’une nouvelle monnaie (la drachme ou autre) ?

Du point de vue de la dette : celle-ci est libellée en euro et les créanciers (BCE, MES et FMI pour l’essentiel) exigeraient très certainement son paiement en euros et non en drachmes contre lesquelles une spéculation poussant à la dévaluation de cette nouvelle monnaie serait menée, d’où un surenchérissement du service de la dette. Michel Husson estime qu’une dévaluation de 10% de la nouvelle monnaie porterait le niveau de la dette (actuellement de 175% du PIB) à 192%. 10% étant une hypothèse basse, les prévisions globalement admises parlent plutôt de 30 à 40%.

Du point de vue du commerce extérieur (même si le gouvernement grec renonce à l’importation des produits d’armement), la balance commerciale (exportations moins importations) verrait son déficit s’aggraver considérablement, les prix à la consommation augmenter et le pouvoir d’achat des grecs se dégrader. L’essentiel du commerce extérieur grec se fait avec la zone euro (France et Allemagne en premier).

En soi, quitter la zone euro dans le contexte actuel serait une véritable catastrophe, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas d’autres solutions. La problématique n’est pas technique, elle est avant tout politique.

Alors quelle réponse à la monnaie unique et au statut actuel de la BCE qui interdit le financement des politiques publiques ?

La réponse ne se trouve pas au front national qui souhaite de façon simpliste la sortie de l’euro, appliquant une Zlatan-solution : « quand on considère que nous avons une Europe de merde, on la quitte ! »

Une solution mixte* peut être trouvée en appliquant la drachme pour les échanges intérieurs et l’euro comme monnaie des échanges extérieurs avec la zone euro.

Cela n’a toutefois aucun sens en dehors d’une politique d’émancipation sociale et d’une autre redistribution des richesses (ce qui ne figure pas dans le programme de Syriza). Cela nécessite un strict contrôle des mouvements de capitaux et de changes où la garantie de la parité drachme-euro ne s’exercerait que jusqu’à un certain plafond.

*C’est une proposition formulée par Éric Toussaint (je la partage). Voir proposition complète en fin de texte.

C’est ce qui s’est pratiqué au Nicaragua en 1985 et en Belgique au sortir de la deuxième guerre mondiale où les enrichissements excessifs ont fait l’objet de ponctions.

Au-delà de ce plafond, la parité (1 drachme = 1 euro) serait dégressive. Une telle réforme monétaire permettrait de répartir une partie de la richesse de manière plus juste socialement. Un autre objectif de la réforme serait de diminuer la masse monétaire en circulation de manière à lutter contre des tendances inflationnistes.

De façon plus générale, le débat sur la monnaie que nous voulons reste posé. Il est relativement récent (il date du début de la crise). Ce qui signifie qu’en 1992, lorsque nous avons lutté contre le traité de Maastricht et en 2005, lorsque nous avons combattu le TCUE, nous n’avons abordé aucunement la question de la monnaie commune, ni de la banque centrale européenne que nous voulons.

Le débat reste ouvert, mais il est, à mon avis, indissociable de la conception de l’Europe des peuples pour les peuples que nous voulons construire.
3 - Quel est le contenu de l’accord signé le 20 février dernier ?

La Grèce est censée payer 6 milliards d’euros à ses créanciers au cours du mois de mars. C’est davantage que le prêt de 4,1 milliards que le gouvernement espère obtenir fin avril, suite à l’accord conclu avec les autres États de la zone euro. Cet accord signé le 20 février prolonge de quatre mois le programme signé par le gouvernement précédent et la Troïka (FMI, BCE et Commission européenne) rebaptisée “institutions”. Celles-ci débloqueront cette tranche de 4,1 milliards d’euros à condition que soient acceptées les réformes que le gouvernement grec leur présentera. Dans cet accord, le gouvernement s’est également engagé à payer l’intégralité de sa dette dans les délais, pour maintenir un accès aux liquidités et obtenir le versement de la tranche prévue.

Alors trahison ou pragmatisme ?

Une certitude : le programme adopté par la majorité de Syriza (il existe une plateforme de gauche qui a obtenu 41% des voix au dernier comité central de Syriza) n’est pas un programme anticapitaliste.

Présenté à Thessalonique dans la dernière ligne droite des élections législatives, il se veut une réponse à la crise humanitaire que connait la Grèce et a été choisi par les électeurs grecs pour mettre fin à l’austérité.

Le deuxième facteur à prendre en considération est son isolement sur la scène européenne. Il n’y rencontre que des adversaires, le gouvernement français au premier rang, et que les gouvernements soient dirigés par des conservateurs ou des socio-démocrates.

Enfin, la solidarité internationale n’est pas au niveau requis pour influencer les stratégies des gouvernements européens comme cela a pu être le cas des mobilisations sociales au moment de la guerre du Vietnam ou plus récemment contre l’éventuelle intervention française en Irak.

Cet accord s’est fait dans ce contexte, juste après le blocage partiel de l’accès aux liquidités du 11 février, donc avec une pression énorme pour le gouvernement grec.

Cet accord ne s’est pas fait avec la Troïka, mais avec les différentes institutions européennes et le FMI. La différence est de taille car la Troïka était ressentie comme une humiliation permanente par le peuple grec. Le contenu de cet accord est un compromis qui illustre les limites politiques de Syriza et la faiblesse du rapport de forces pour la Grèce.

Il contient des régressions, peu d’avancées réelles et des formulations floues.

Parmi les régressions, on peut citer le recul dans le temps de l’augmentation du salaire minimum, la renonciation à revenir sur les privatisations déjà opérées, la réduction des dépenses publiques et la révision du budget 2015, la flexibilité des salaires, ...

Dans les « avancées », disons plus conformes au programme de Syriza, il y a :

la lutte contre l’évasion fiscale (203 Mds d’€ entre 2003 et 2009, soit 55Mds de recettes fiscales perdues, l’équivalent d’une année de recettes budgétaires ; voir aussi la liste Lagarde avec plus de 2000 noms et détails sur l’évasion fiscale en Suisse dont la mère de Papaandréou, ex n° 1 de l’internationale socialiste, le n° 2 était le dictateur Ben Ali).

Le total de l’évasion fiscale est estimé à plus de 600 Mds d’euros, soit plus de 2 fois le PIB grec.

L’accord contient aussi le principe d’une réforme de la fiscalité directe (tranches d’impôt relevées pour la 1re tranche et une tranche marginale plus importante), l’instauration d’un cadastre (40% du territoire n’est pas cadastré aujourd’hui), la lutte contre la fraude fiscale avec un bémol sur le recrutement de « contrôleurs » contractuels non fonctionnaires, la lutte contre le clientélisme (mode de « gouvernance » de la Nouvelle Démocratie et du PASOK). Dans les autres mesures, il y a la lutte contre la crise humanitaire, sans précisions.

Dans les ambigüités, il y a principalement une réforme des retraites remettant (au minimum) en cause les départs anticipés, réforme pour laquelle le FMI réclame davantage de garanties et précisions.

C’est donc in fine un accord défavorable au peuple grec, à l’image de l’état du rapport de forces et des faiblesses du projet politique de Syriza.

4 - Quelle place prend l’audit de la dette grecque annoncé le 17 mars ?

2015-03-26 03 La questionLa question de la dette est une question centrale. Elle a été utilisée hier pour imposer les mémorandums au peuple grec, faisant de ce pays le laboratoire des politiques austéritaires en Europe, comme le Chili de 1973 fut celui, sanglant, de l’expérimentation des thèses de l’école de Chicago.

Aujourd’hui, elle constitue un verrou pour un changement de paradigme économique en Grèce, un obstacle qui s’oppose à la satisfaction des besoins fondamentaux de la population. De ce point de vue, elle est en contradiction avec les dispositions du droit international (Chartre de l’ONU entre autres).

Qu’attendons-nous de cet audit et de la commission concernant les réparations de guerre dues par l’Allemagne ?

La présidente du parlement grec, Zoé Konstantopoulou, a annoncé officiellement avant-hier (le 17 mars) la mise en place d’une commission d’audit de la dette et a également annoncé le lancement des enquêtes sur les mémorandums, pour répondre à la question de savoir comment le pays en est arrivé là. Eric Toussaint, porte parole du CADTM International et ex membre de la commission d’audit de la dette équatorienne en 2007-2008, est chargé de la coordination sur le plan scientifique.

Il s’agit d’identifier le caractère odieux, illégal ou illégitime des dettes contractées par les précédents gouvernements. Compte tenu du poids de cette dette, une suspension de son paiement (moratoire) pendant la durée de cet audit paraît la meilleure option. Cette possibilité est même fondée légalement.

Les gouvernements sont tenus de privilégier le respect des droits humains et de ne pas appliquer les accords qui conduisent à leur violation. Cette obligation est également prévue à l’article 103 de la Charte de l’ONU.

Article 103 de la Charte des Nation- unies : « En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. ».

Parmi les obligations contenues dans cette Charte, on trouve notamment, aux articles 55 et 56, « le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social (…), le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »

Le droit européen et international légitimerait ainsi des actes unilatéraux de la Grèce même si l’accord du 20 février interdit toute action unilatérale du gouvernement grec.

A l’issue de cet audit qui doit être citoyen, c’est-à-dire porté explicitement à la connaissance de la population au fur et à mesure de ses travaux, il appartiendra au gouvernement, au Parlement, mais surtout au peuple, de décider de l’annulation de la part illégitime, odieuse et/ou illégale..

A propos d’annulation totale ou partielle des dettes des Etats, ce ne serait pas, avec la Grèce, une exception historique. Dans un ouvrage paru en 2010 en français (Cette fois, c’est différent, huit siècles de folie financière), les auteurs, économistes au FMI, ont recensé pas moins de 169 cas de défaut total ou partiel depuis la fin de la 2 ème guerre mondiale.

La présidente du parlement grec a également confirmé la reconstitution de la commission de revendication des réparations de guerre allemandes.

L’Allemagne, qui a bénéficié lors de la conférence de Londres en 1953, d’une réduction de plus de 60%de sa dette et d’une restructuration très favorable du solde, ne s’est jamais acquittée des dommages de guerre envers la Grèce (dégâts considérables, emprunt forcé, pillage de l’or de la Banque de Grèce pour financer la guerre en Afrique du Nord).

Il est plus que temps de remettre les pendules à l’heure à un moment où l’Allemagne de Maerkel veut imposer son diktat sur l’économie et la politique grecques.

L‘audit des mémorandums permettra également d’identifier les dispositions contraires au droit international précité.
5 - En cas de défaut de paiement, quelles incidences pour le portefeuille des contribuables français ? Ça va nous coûter 600-700€ par personne !

Les médias nous assènent qu’un défaut de paiement auraient des conséquences sur le portefeuille des contribuables français. Les chiffres les plus farfelus circulent à ce propos. Les plus élevés affichent pas moins de 700€ au compteur.

Qu’en est-il exactement ? je vous renvoie à la brochure éditée par le CAC, intitulé « petit guide contre les bobards médiatiques à propos de la dette grecque » ainsi qu’à l’excellent article de Jean Gadrey : « Combien « nous » coûterait un défaut grec ? Réponse (à débattre) : dette qui roule (bien) n’amasse pas mousse ! »(Vous trouverez les 2 sur le site du CADTM).

Le montant concerné (30 ou 40 Mds à la louche selon les sources) est à préciser.

1 - Il faut distinguer les prêts bilatéraux (11, 9Mds pour la France) qui ont fait l’objet, pour les financer, d’émission d’obligations (donc de dette de l’Etat).
Ces prêts bilatéraux ont été consentis à la Grèce moyennant des taux d’intérêt de 5,2% en 2010 et de 4, 2% en 2011. La France, elle, empruntait à cette période (OAT à 10 ans) à 2,8% en moyenne. Le différentiel entre les taux a constitué un profit pour l’Etat français. Le défaut sur ces prêts n’ajouterait, ni n’enlèverait rien de plus aux contribuables français.

On peut également s’interroger, dans le cadre d’un audit des dettes et créances françaises, cette fois, sur la légitimité de ces créances envers la Grèce, comme de celles que la France a envers plusieurs pays du Sud.

2 - Il y a ensuite les garanties qu’a signé la France dans le cadre du MES. Ces garanties ne lui ont pas coûté un cent d’euro puisque le MES émet des emprunts auprès des banques privées, emprunts que l’Etat grec rembourse. C’est de là que viennent les tranches attendues par la Grèce et qui servent au chantage de l’Eurogroup aujourd’hui.
Ces garanties, comme le MES, doivent être dénoncées car participant à la paupérisation du peuple grec.

Pour conclure cette introduction au débat, je voudrais réaffirmer que le meilleur soutien que nous puissions apporter au peuple grec est de nous mobiliser contre notre patronat et notre gouvernement, d’œuvrer à un audit de la dette publique française, dans une logique anti austéritaire et de solidarité internationale.

Je vous remercie


Proposition complète (Syriza : « Un grain de sable dans l’engrenage » 3 février par Eric Toussaint

Réforme monétaire redistributive

Une redistribution des richesses peut également être réalisée par le biais d’une réforme monétaire appropriée. Sans développer ici, on peut s’inspirer de la réforme monétaire réalisée après la Seconde Guerre mondiale par le gouvernement belge ou, à un autre coin de la planète et à une autre époque, par les autorités nicaraguayennes en 1985. Elle vise à opérer une ponction notamment sur les revenus de ceux et celles qui se sont enrichis sur le dos des autres. Le principe est simple : il s’agit, lors d’un changement de monnaie, de ne garantir la parité automatique entre l’ancienne et la nouvelle monnaie (un ancien euro contre un nouveau drachme par exemple) que jusqu’à un certain plafond.

Au-dessus de ce plafond, la somme excédentaire doit être placée sur un compte bloqué et son origine, justifiée et authentifiée. En principe, ce qui excède le plafond fixé est changé à un taux moins favorable (par exemple : deux anciens euros contre un nouveau drachme) ; en cas d’origine délictueuse avérée, la somme peut être saisie. Une telle réforme monétaire permet de répartir une partie de la richesse de manière plus juste socialement. Un autre objectif de la réforme est de diminuer la masse monétaire en circulation de manière à lutter contre des tendances inflationnistes. Pour qu’elle soit efficace, il faut avoir établi un contrôle strict sur les mouvements de capitaux et sur les changes.

Voici un exemple (bien sûr les barèmes indiqués peuvent être largement modifiés après une étude sérieuse de la répartition de l’épargne liquide des ménages et l’adoption de critères rigoureux) :

1€ s’échangerait contre 1 Drachme nouveau jusqu’à 200 000 €

1€ = 0,7 Drachme nouveau entre 200 000 et 250 000 €

1€ = 0,6 Drachme nouveau entre 250 000 et 350 000 €

1€ = 0,5 Drachme nouveau entre 350 000 et 500 000 €

1€ = 0,4 Drachme nouveau entre 500 000 et 600 000 €

1€ = 0,2 Drachme nouveau au dessus de 600 000 €

1€ = 0,1 Drachme nouveau au dessus d’un million d’euros

Si un foyer a 200 000 € en liquide, il obtient en échange 200 000 Drachmes nouveaux

S’il a 250 000 €, il obtient 200 000 + 35.000 = 235 000 Drachmes nouveaux (D.n.)

S’il a 350 000 €, il obtient 200 000 + 35 000 + 60 000 = 295 000 D.n.

S’il a 500 000 €, il obtient 200 000 + 35 000 + 60 000 + 75 000 = 370 000 D. n.

S’il a 600 000 €, il obtient 200 000 + 35 000 + 60 000 + 75 000 + 40 000 = 415 000 D.n.

S’il a 1 million €, il obtient 415 000 + 80 000 = 495 000 D.n.

S’il a 2 millions €, il obtient 415 000 + 80 000 + 100 000 = 595 000 D.n.


Pascal Franchet, vice président du CADTM France, à Rouen le 19 mars 2015.