Queen and king. Trône et bouffons
Serge Vandepoorte
Les pornographes de l’émotion s’en donnent à cœur joie. En tête de gondole, les magazines « people » et toute la cohorte des médias qui prétendent encore faire œuvre d’information auprès du grand public. Logique. Vendre du papier et faire du chiffre en termes d’audience, leurs motivations se résument à cette trivialité.
Avec toutefois, en toile de fond, de cette idéologie qui veut que les peuples s’inclinent servilement aux pieds des puissants de ce monde. Dès lors, le décès d’une tête couronnée et toutes les cérémonies qui l’accompagnent sont censés plonger les masses dans les affres d’un deuil collectif.
L’immense cohorte des précaires, personnes sans abris, chômeurs, peuples encore asservis, migrants ballottés sur les flots de l’exil, tous sont sommés de verser une larme aux pieds des trônes.
La fabrique des romans nationaux tourne alors à plein régime. Il ne manque pas de scribes pour construire des séquences mémorielles, toutes dédiées à la gloire supposée de défunts qui ne doivent leur notoriété qu’à une longue histoire faite de violences, de prévarications, de vols de masse, de colonisation et de pillages.
Et puis, il y a les courtisans et les bouffons, qui peuplent les lieux de pouvoir. Quoi d’étonnant dans le spectacle de leurs afflictions larmoyantes ? Éternels lécheur de culs, ils sont conformes aux rôles qu’ils se sont assignés.Hier valets serviles de l’aristocratie et des pouvoirs dictatoriaux, aujourd’hui, factotums entièrement dévoués à la cause du capitalisme, les bouffons quémandent les miettes aux banquets du pouvoir.
Et puis il y a les bouffons qui s’ignorent.
En France, à l’occasion de la disparition d’une tête couronnée, les messages d’affliction et de condoléances, ne sont pas tous venus de la droite réactionnaire. Loin s’en faut.
Ici un ex candidat du PCF, là un premier secrétaire du PS, ici encore des personnalités de la Nupes.
Pour faire « peuple », ils n’ont pas manqué de courber l’échine à l’occasion du passage de vie à trépas d’une reine, qui au passage, était également un parasite vivant aux crochets de subsides d’état.
Formidable révélateur des véritables natures de ces bouffons, cet évènement a fait tomber bien des masques.
Fort heureusement, des voix sont venues contrarier ces abjectes communications.
Au cœur de Derry, quartier emblématique de la résistance irlandaise, les foules se sont précipitées dans la rue, pour rappeler la vraie nature du pouvoir britannique incarnée par cette reine.
Cette liesse salutaire a pété à la face de toutes celles et ceux qui ont insulté la mémoire des irlandais morts pour leur liberté.
Non, Bobby Sand, toi et tous tes frères de lutte, vous n’avez pas été gommés des mémoires républicaines.
Qu’importe les gesticulations des bouffons, vous êtes toujours parmi nous.
Si la Barbarie a besoin d’un visage, celui de cette tête couronnée est là dans son impitoyable cruauté.
A chacun ses émotions….
Dis-moi qui tu pleures, je te dirai qui tu es.
Serge Vandepoorte. Militant Manca.