L’impact des sorties illicites de capitaux sur la dette grecque
par Michel Husson
Par définition, il n’y a pas d’estimation fiable des fuites de capitaux. Plusieurs chiffres circulent : en mai 2011, le ministère grec des avançait le chiffre de 280 milliards d’euros pour les capitaux grecs en Suisse. En octobre de la même année, le Financial Times Deutschland avançait le chiffre de 165 milliards, quand la Banque nationale suisse ne reconnaissait que 3,36 milliards |1|. L’ancien premier ministre, George Papandreou, déclarait au mois d’août 2012, que la Grèce aurait évité le sauvetage (‘bailout’) sans la fuite vers les paradis fiscaux |2|.
L’ONG Global Financial Integrity |3|, basée à Washington, cherche à évaluer les flux financiers illicites. Le principe de la méthode est simple : elle consiste à utiliser les sources officielles et à comparer, par exemple, les capitaux sortis de Grèce et les entrées de capitaux en provenance de Grèce dans le reste du monde. L’écart entre les deux sert à évaluer les mouvements illicites. Cette méthodologie ne peut évidemment que la partie la plus visible de ces mouvements de capitaux, et les évaluations auxquelles elle conduit doivent donc être considérées comme des minorants.
Pour la Grèce, les données détaillées mises à disposition |4| portent sur la période 2003-2009 et donnent les résultats suivants :
Sorties illicites de capitaux grecs en milliards d’euros
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2003-2009
41,2 31,8 0,0 33,0 53,1 2,8 40,5 202,5
Le cumul représente donc un peu plus de 200 milliards d’euros, soit une estimation inférieure à celles citées précédemment qui ne portaient que sur la Suisse.
Pour évaluer l’impact de ces sorties illicites de capitaux, on fait l’hypothèse d’un taux d’impôt de 20 %. Le manque à gagner calculé directement est donc de l’ordre de 40 milliards d’euros. Mais il faut prendre en compte le cumul des intérêts : la simulation conduit alors au résultat suivant :
Si une législation appropriée avait empêché les sorties illicites de capitaux grecs, et si ces derniers avaient été correctement soumis à l’impôt, la dette publique grecque aurait été inférieure de 55 milliards d’euros en 2014 (262 milliards au lieu de 317 milliards).
Notes
|1| Source : « Les riches Grecs adorent la Suisse », Le Point, 15 Décembre 2011
|2| Source : « Greece would have avoided bailout if it were not for tax havens, says former PM George Papandreou », The Telegraph, 30 Août 2012