A la veille de Durban : pas d’accord climatique avant 2020 !
par Daniel Tanuro
Au risque de lasser le lecteur, rappelons les conditions à remplir pour que la hausse de la température de la Terre ne dépasse pas trop 2°C (entre 2 et 2, 4°C) :
1°) Réduction absolue de 50 à 85% des émissions globales d’ici 2050, à entamer dès 2015 au plus tard ;
2°) Réduction absolue de 80 à 95% des émissions des pays développés d’ici 2050, et de 25 à 40% d’ici 2020, par rapport à 1990 ;
3°) Réduction des émissions des pays en développement de 15 à 30% par rapport aux projections.
Si ces objectifs étaient adoptés, la dilatation thermique des masses d’eau océaniques provoquerait néanmoins, à elle seule, une élévation moyenne du niveau des mers comprise entre 40 cm et 1, 4 m. « A elle seule » parce que cette projection n’inclut pas la dislocation des calottes glaciaires.
Durban
Or, ces objectifs ne seront pas adoptés. A la veille du sommet de Durban, les pays développés admettent tous que le Protocole de Kyoto, qui ne va pas au-delà de 2012, n’aura pas de successeur avant 2016, au plus tôt. Compte tenu du temps nécessaire à la ratification, cela signifie qu’un éventuel accord international ne sera pas d’application avant 2020. Trop tard pour rester entre 2 et 2, 4°C de hausse, pour ne pas parler de rester sous les 2°C.
Sans un accord mondial contraignant pour organiser le transfert de technologies propres et distribuer les efforts de réduction en fonction de la responsabilité historique de chaque pays, la concurrence capitaliste conduira inévitablement à une poursuite de la croissance des émissions, donc du réchauffement. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, les émissions de CO2 provenant de la combustion des combustibles fossiles ont augmenté de 5% en 2010, en dépit de la récession la plus grave depuis les années trente.
Les gouvernements cachent l’extrême gravité de la situation. Ils continuent à faire comme si leur objectif était de maintenir le réchauffement au-dessous de 2°C, feignant d’ignorer que, par leur faute, cette limite ne peut déjà plus être respectée.
L’Union européenne mériterait le premier prix de la poudre aux yeux. Avec son « paquet énergie-climat », elle se présente comme le champion de la lutte pour la planète. Or, non seulement les 20% de réduction des émissions en 2020 sont totalement insuffisants, non seulement ils seront réalisés sans effort (en 2009 les émissions de l’UE étaient inférieures de 17, 6% au niveau de 1990), non seulement les chiffres ne tiennent pas compte des émissions « grises » (découlant de la production dans les pays émergents des marchandises consommées en Europe), mais en plus l’UE n’a plus aucune réticence face aux achats de « droits de polluer » dans les pays du Sud.
En route pour +4°C
Vers quoi tout cela nous entraîne-t-il ? Vers une hausse de la température de 4°C environ d’ici la fin du siècle, qui ferait probablement monter le niveau des mers de plusieurs mètres d’ici la fin du siècle, par suite notamment de la dislocation des calottes glaciaires. C’est ce que répète depuis 20 ans J. Hansen, le climatologue en chef de la NASA.
Le GIEC vient de consacrer un rapport aux événements météo extrêmes. Peu suspect de communisme, un directeur de la London School of Economics, Bob Ward, l’a résumé en disant que, faute d’une réduction immédiate des émissions, les canicules, sécheresse et inondations « dépasseront probablement toute tentative que les populations humaines pourraient prendre pour s’adapter à leurs impacts ».
Toutes ces données sont connues des décideurs politiques. Ils les ignorent allègrement parce que, sinon, ils devraient envisager d’arracher le secteur de l’énergie des mains du patronat et de prendre l’argent là où il est pour financer une transition planifiée vers une économie économe et non productiviste, sans fossiles ni nucléaire.
Mobilisation écosocialiste
Au début de son histoire, le capitalisme a parfois pris des décisions défavorables à l’intérêt immédiat des capitalistes individuels, parce qu’elles étaient nécessaires à la stabilité à long terme du Capital dans son ensemble. Aujourd’hui, il n’en est plus capable. Même face à la menace de catastrophes terribles, irréparables, les décideurs restent les bras ballants.
Pire : les plus cyniques misent sur les catastrophes comme des armes géostratégiques. La montée en puissance des capitalismes chinois ou indiens devient gênante ? Rira bien qui rira le dernier : on verra comment ils gèreront la montée des océans, la fonte des glaciers de l’Himalaya et leurs millions de réfugiés climatiques…
On ne peut mieux illustrer la profondeur de la crise de ce système pourri. Face à cette barbarie climatique qui menace, il est totalement illusoire de miser sur le lobbying auprès des gouvernements. Seule la mobilisation la plus large pour des objectifs à la fois sociaux et écologiques –écosocialistes - offre une alternative.
Daniel Tanuro