Victoire ! Mamadou Bah obtient le statut réfugié

3 juin par Denis Desbonnet

MamadouToutefois, si contre toute attente, une décision négative, ou du moins ne nous donnant pas satisfaction (telle une « protection subsidiaire », ne lui offrant qu’un statut et un immunité au rabais et provisoire), devait être prise par le CGRA, il faudrait alors relancer la mobilisation politique et citoyenne pour appuyer les recours indispensables. Et d’abord sur le plan financier, le nerf de cette « guerre d’usure » : jusqu’à présent, son avocat a généreusement accepté de travailler gratis, même pas "pro deo", gardant cette possibilité pour ces éventuels recours, autrement coûteux que la phase actuelle de la procédure.

Nous avons eu la confirmation ce lundi 19 mai de l’annonce officieuse reçue le vendredi précédent de ce que Mamadou était reconnu (pas seulement par les asS.A.SSins d’Aube Dorée, mais désormais) par le CGRA, et jouissait donc du droit d’asile définitif en Belgique !

Nous reproduisons ici l’article auquel nous mettions la dernière main et nous préparions à publier lorsque, le 16 mai dernier, nous avons appris l’extraordinaire nouvelle de la reconnaissance de notre camarade Mamadou Bah comme réfugié en – et par – la Belgique, par rapport à la Grèce qu’il avait fuie six mois plus tôt.

Cela, plutôt que de réécrire un texte qui pour l’essentiel reste exact et pertinent - sauf son titre « daté » et sa conclusion « prudente » envisageant le pire, heureusement tous deux démentis par ce spectaculaire rebondissement. Par contre, l’appel à la solidarité financière qui le clôture, lancé pour pourvoir aux frais de la procédure et au défraiement de son avocat, reste plus que jamais « capital » et d’actualité : qu’on se le dise !

Par solution de facilité – et rapidité, nous avons donc préféré simplement y adjoindre le complément d’information essentiel et décisif dans l’ « accroche » ci-dessus annonçant cette formidable victoire, car nous reviendrons naturellement de manière plus approfondie sur ce sujet dans les prochaines semaines.

Cible d’Aube Dorée et candidat à l’asile en Belgique : Mamadou Bah : La procédure progresse... ou s’enlise ?

En octobre 2013, nous publiions un interview que nous avions réalisé de Mamadou Bah, encore à Athènes, très peu de temps avant son arrivée en Belgique, uite à sa double agression par les miliciens d’Aube Dorée
.
Six mois plus tard, au sortir de sa deuxième – ou, espérons-le, seconde et dernière – audition par le Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides, le cinq mai dernier, nous faisons le point sur sa bataille pour son statut de réfugié, en vue de lui assurer un droit de séjour définitif dans son pays d’accueil...

Et donc aussi pour sa survie, car c’est un vrai « contrat » qui pèse sur sa tête en Grèce, les tueurs néo-nazis n’attendant que leur heure pour récidiver une fois encore, s’il devait être refoulé dans son pays.

Premier saut d’obstacle

Une première bonne nouvelle : dès la mi-novembre 2013, Mamadou a passé sans encombre l’étape de l’Office des Etrangers – principal et plus redoutable obstacle sur la voie de sa reconnaissance en tant que réfugié par la Belgique.

En effet, particularité exceptionnelle de son « cas », il a déjà été reconnu réfugié par la Grèce en 2013, sur base des causes qui l’ont fait fuir son pays natal, la Guinée. Un « avantage » qui aurait pu se retourner paradoxalement contre lui, car la Belgique pouvait tenter de le débouter d’office en considérant sa démarche comme irrecevable, sans même examen sur le fond, puisqu’il bénéficiait déjà de ce statut, lui garantissant censément une protection internationale. Hypothèse pessimiste qui ne s’est heureusement pas vérifiée.

Une « protection »... nulle et non avenue en Grèce

Sinistre ironie du sort, Mamadou Bah avait d’ailleurs reçu ce statut six mois à peine avant d’être l’objet des deux attaques sanguinaires de la part des nervis d’Aube Dorée. Preuve s’il en est que, ainsi qu’il l’expliquait à la journaliste grecque du HCR qui l’interrogeait sur son parcours, une telle « protection » théorique ne le prémunissait en rien contre le racisme croissant dans ce pays, ni contre les bavures policières répétées qu’il a subies (et qui n’en ont que le nom tant elles sont quotidiennes et innombrables), pas plus que contre sa surexploitation comme travailleur non déclaré : « On était dix-huit dans le resto où je bossais, tous les autres étaient grecs – et avec un contrat de travail. Un seul d’entre nous était payé au black Devinez qui ? Le black ! »...

Et pas non plus, finalement, contre les pogroms systématiques menés par les modernes « S.A. » semant la terreur contre les migrants, les homosexuels, les handicapés... et contre les militants de gauche, antiracistes et antifascistes. Mamadou cumulant plusieurs de ces « tares » aux yeux des « suprématistes » nostalgiques du IIIème Reich, lui qui fut une des figures de proue de la bataille pour la naturalisation des enfants de la deuxième et troisième génération, mais notamment aussi pour le droit des femmes migrantes à sortir de leur « no woman’s land », et ceux des « LBGT », traités en parias dans la société grecque...

Cible au carré

On imagine aisément la rage des escadrons de la mort, lorsque, après leur première agression quasi mortelle au cours d’une de leur « ratonnade », ils ont découvert que leur proie « ordinaire » et de hasard avait survécu, mais en plus, se permettait de les dénoncer et défier dans la grande presse, et par dessus le marché qu’il s’agissait d’une des principaux animateurs de la lutte des immigrés en Grèce... Ils ont du se maudire d’avoir « raté » leur coup (sans mauvais jeu de mots, eux qui l’avaient laissé le crâne fendu, perdant abondamment son sang), alors qu’ils avaient un tel « trophée » de choix au bout de leurs matraques ! Pas surprenant donc qu’ils soient revenus pour « achever » leur sinistre besogne - et leur victime . Seconde tentative à laquelle Mamadou n’a échappé que parce qu’il avait suffisamment « récupéré » de sa blessure, et que, comme il le dit avec l’humour qu’il conserve envers et contre tout, comme un antidote au désespoir : « Je suis sportif et cours très vite, alors je suis toujours vivant ».

Bref, c’est sur base de cette menace, amplement documentée (des témoins oculaires ont même raconté que des semaines après sa fuite, les néo-nazis continuaient à le rechercher activement, dans ses quartiers de travail et d’habitation), qu’a été introduite en Belgique une demande d’asile en bonne et due forme, par rapport à laquelle nous avons la ferme conviction que nous pouvons obtenir gain de cause. Déjà, nous avons eu la confirmation par le CGRA que la demande a été reconnue comme valide et légitime par rapport aux risques que Mamadou encourt en Grèce.

Second round : la Guinée...

Mais, dès l’entame de la nouvelle audition, la fonctionnaire en charge de ce dossier a annoncé que, contrairement à ce qu’elle nous avait affirmé au cours du premier entretien, le Commissariat avait décidé d’enquêter aussi sur le volet « guinéen » de l’histoire de Mamadou. Comme le dit Olivier Stein, l’avocat de Mamadou, pour expliquer ce revirement, ils « cherchaient la petite bête » tant ce dossier se révèle embarrassant pour eux.

Heureusement, y compris sur cette dimension guinéenne du dossier, nous sommes résolument optimistes. Le simple fait que l’Etat grec ait, au terme d’une enquête approfondie, reconnu Mamadou comme réfugié, ayant de sérieuses raisons de craindre pour sa vie en Guinée, alors que ce sont plutôt les autorités d’Athènes qui sont « reconnues » pour leur traitement indigne et inique des demandes (et demandeurs) d’asile |1|, est en soi un argument de poids.

Qui plus est, il y a abondance de témoignages, de rapports d’organismes de défense des droits de l’Homme, guinéens et internationaux, de reportages médiatiques épouvantables... relatifs aux exactions du régime guinéen et aux violations des droits de l’Homme qui y règnent, plus particulièrement aux graves discriminations et violences contre les groupes minoritaires, dont Mamadou avait tout à craindre « au pays ».

Aidez-nous à garder Mamadou parmi nous !

Toutefois, si contre toute attente, une décision négative, ou du moins ne nous donnant pas satisfaction (telle une « protection subsidiaire », ne lui offrant qu’un statut et un immunité au rabais et provisoire), devait être prise par le CGRA, il faudrait alors relancer la mobilisation politique et citoyenne pour appuyer les recours indispensables. Et d’abord sur le plan financier, le nerf de cette « guerre d’usure » : jusqu’à présent, son avocat a généreusement accepté de travailler gratis, même pas "pro deo", gardant cette possibilité pour ces éventuels recours, autrement coûteux que la phase actuelle de la procédure.

Mais à présent, il faut pourvoir à sa juste rétribution, comme aux nombreux frais engagés pour étayer son dossier. Aussi, n’hésitez donc pas à nous soutenir dans cette perspective, en versant votre contribution sur le compte du CADTM : BE06001231834322, avec la mention « Soutien Mamadou Bah ».

Denis Desbonnet (pour le Comité de Soutien à Mamadou Bah, victime et cible d’Aube Dorée).

Notes

|1| A tel point que, non seulement le HCR, Amnesty, l’organe grec chargé de veiller au respect du droit d’asile, et maintes autres organisations nationales et internationales, mais la Commission Européenne elle-même, pourtant à l’origine du durcissement des législations en vigueur dans ses « frontières » (c’est le mot), ont stigmatisé l’attitude de la Grèce, mise au ban des nations, en cette matière.