Jean-Luc Mélenchon constate « l’échec » du Front de Gauche : « Là, j’ai besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles »

 BESSE DESMOULIERE Raphaëlle, CLAVEL Geoffroy, BERTRAND Yann

 MelenchonDans une Interview exclusive de Jean-Luc Mélenchon au site payant Hexagones [1] le leader du Parti de Gauche annonce sa volonté de prendre du champ pour pouvoir se ressourcer, estimant qu’il est temps pour lui de passer le relais à d’autres. Il constate l’échec du Front de Gauche, et dénonce le rôle des médias dans la percée électorale du Front national.

Hexagones

 Mélenchon veut prendre du recul

Jean-Luc Mélenchon sort de son silence. Depuis le soir des européennes, le 25 mai, où il était apparu très affecté, l’ex-candidat à la présidentielle s’était fait discret.

Mercredi 22 juillet, en plein cœur de l’été, il se confie dans un long entretien publié sur le site d’informations Hexagones (accès payant). Tout juste réélu, le député européen et coprésident du Parti de gauche y apparaît d’humeur sombre, tire à boulets rouges sur son allié communiste et explique qu’il n’entend plus jouer le même rôle au sein de son parti et du Front de gauche.

« A un moment, il faut s’arrêter de courir. Parce que si on court tout le temps, on va finir par se mettre dans le vide. Et là, j’ai besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles », explique-t-il. Des mots rares dans sa bouche qui pourraient résonner comme un aveu d’impuissance. « J’ai besoin de temps, je ne peux plus continuer comme ça », poursuit-il en souhaitant que « le niveau de pression sur [lui] baisse ». Le fondateur du Parti de gauche ajoute que la relève au sein de son parti est prête et qu’il n’entend pas jouer « tous les rôles ». « J’ai fait mon temps à organiser la vie d’un parti », précise l’ancien socialiste, qui se garde cependant d’évoquer sur la crise interne que traverse actuellement le mouvement qu’il a fondé en 2008.

« Echec »

Son constat sur le Front de gauche est lui aussi sans appel : « Nous sommes en échec. » Il explique ainsi que « la force » que représentait son résultat à la présidentielle – 11,10 % – a été « étouffée par le poids du retour aux vieilles traditions partiaires, aux arrangements, aux accords électoraux ». « Tout ça a été planté pour une poignée de postes aux municipales », critique-t-il. Le principal responsable ? Le PCF, qui a choisi de s’allier au premier tour avec le PS dans certaines villes quand lui et les siens prônaient l’autonomie. Une stratégie qui a, selon lui, « complètement décrédibilisé » le Front de gauche.

Sans pour autant appeler clairement à sortir de la coalition, il souhaite « tout changer en profondeur » et ne se prive pas pour critiquer les « deux lignes » qui y coexistent « depuis le début ». « Celle qui est portée par la direction du Parti communiste, qui est plus institutionnelle, plus traditionnelle, où on continue à penser que la gauche est une réalité partiaire, organisée et qu’on peut rectifier le tir du Parti socialiste. Et puis, il y a une autre qui pense que ça, c’est un monde qui est quasiment clos, qu’il faut construire et qu’on le fera progressivement à condition d’être autonome. »

« Talent »

Une « ambiguïté » qui fait, selon lui, le jeu du Front national. « On ne doit pas faire d’alliance avec des gens qu’on combat, juge-t-il. Et aussi longtemps qu’on fera ça, les gens, qui se disent qu’ils en ont ras-le-bol, se diront qu’on est comme les autres.  » Et de citer les européennes, où 4 des 6 millions d’électeurs de Marine Le Pen à la présidentielle ont voté pour les listes du FN quand le Front de gauche a « piteusement » rassemblé 1,5 million sur les 4 millions de 2012.

« On doit se demander pourquoi on fait des campagnes aussi mauvaises, aussi lamentables, aussi tardives », assène-t-il. Au passage, il reconnaît du « talent » à la dirigeante du Front national qui a, selon lui, une « chance » d’y arriver en 2017. Pourquoi ? « Parce que la société est en train de se diriger vers le point « qu’ils s’en aillent tous ». Et quand le point « qu’ils s’en aillent tous » est atteint, tout saute en même temps », prévient-il. Pas un mot, en revanche, sur le rôle qu’il entend jouer lors de la prochaine présidentielle.

Raphaëlle Besse Desmoulières

22 juillet 2014

Jean-Luc Mélenchon se met en retrait du Front de Gauche : « je ne peux pas continuer comme cela »

FRONT DE GAUCHE - Ce ne sont pas des adieux mais une prise de recul. Jean-Luc Mélenchon confirme qu’il n’entend plus jouer le même rôle au sein du Front de Gauche dont il constate « l’échec » après la double défaite des élections municipales et européennes.

« Tout ça a été planté pour une poignée de postes aux municipales. À un moment il faut s’arrêter de courir. Parce que si on court tout le temps, on va finir par se mettre dans le vide. Et là j’ai besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles »,annonce ce mardi 22 juillet l’ancien candidat à l’élection présidentielle au site Hexagones (lien abonné).

Visiblement éreinté par les campagnes électorales à répétition et les disputes incessantes entre sa formation, le Parti de Gauche, et son allié le Parti communiste, l’eurodéputé fraîchement réélu au Parlement de Strasbourg affirme ne plus vouloir porter seul le poids du combat médiatique et politique.

« J’ai fait mon temps à organiser la vie d’un parti. J’essaie de cristalliser quelque chose qui existe en dehors de moi. J’ai besoin de temps, je ne peux plus continuer comme cela », confie-t-il, tout en estimant que la relève est prête au sein du Parti de Gauche. « J’aspire à ce que le niveau de pression sur moi baisse. Deuxièmement, il faut aussi que le grand arbre n’empêche pas le reste de la forêt de pousser. Je suis content, car maintenant il y a plusieurs visages qui ont émergé à l’intérieur du Parti de gauche. Il faut qu’ils aient leur espace politique », plaide l’ancien sénateur socialiste, devenu un des adversaires les plus déterminés de François Hollande.

Le FN peut gagner en 2017

S’il ne regrette pas ses coups de gueule et de menton dans les médias, Jean-Luc Mélenchon se montre très critique à l’égard des « ambiguïtés » du Front de Gauche. « Depuis le début. Il y a deux lignes en quelque sorte. Celle qui est portée par la direction du Parti communiste, qui est plus institutionnelle, plus traditionnelle, où on continue à penser que la gauche est une réalité partiaire, organisée et qu’on peut rectifier le tir du Parti socialiste. Et puis, il y a une autre qui pense que ça, c’est un monde qui est quasiment clos, qu’il faut construire et qu’on le fera progressivement à condition d’être autonome ».

D’où son amertume à l’égard des élections municipales qui ont vu un grand nombre de communistes s’allier dès le premier tour avec le Parti socialiste. « Ce que je n’avais pas envisagé, c’est que cette force puisse être étouffée par le poids du retour aux vieilles traditions partiaires, aux arrangements, aux accords électoraux. Jusqu’à ce néant qu’a été l’élection municipale qui a complètement décrédibilisé ce qu’était le Front de gauche, explosé entre ceux qui ne voulaient pas d’alliance avec le Parti socialiste et ceux qui se sont vautrés dans cette alliance », regrette-t-il encore.

D’où le boulevard offert au Front national de Marine Le Pen dont il estime qu’elle pourrait s’imposer à la prochaine élection présidentielle. « Pourquoi elle va y arriver ? Parce que la société est en train de se vider de l’intérieur. Parce que la société est en train de se diriger vers le point ’qu’ils s’en aillent tous’. Et quand le point ’qu’ils s’en aillent tous’ est atteint, tout saute en même temps », prévient-il.

Geoffroy Clavel

22 juillet 2014

* Le HuffPost. Publication : 22/07/2014 11h19 CEST :

Jean-Luc Mélenchon : « Là, j’ai besoin de dormir »

Dans une interview accordée au site Hexagones, le leader du Front de Gauche dresse un sombre constat de son parti et son action en politique. Il se dit fatigué, souhaitant prendre du recul. Une posture inhabituelle pour Jean-Luc Mélenchon, hyperactif, mais qui semble lassé notamment des tensions avec l’allié communiste et du monde politique en général.

« A un moment, il faut s’arrêter de courir. Parce que si on court tout le temps, on va finir par se mettre dans le vide. Et là, j’ai besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles ». Cette phrase à elle seule résume l’esprit de l’entretien accordé par Jean-Luc Mélenchon au site Internet d’informations Hexagones (accès payant). En plus d’une heure de questions/réponses, l’ex-candidat à l’élection présidentielle en 2012 y détaille son mal-être actuel, ses doutes et ses lassitudes. Cela faisait deux mois qu’il s’astreignait à une cure médiatique, depuis sa déconvenue affichée à la télévision après le second tour des élections européennes en mai dernier. Ce soir-là, « son » Front de gauche avait « piteusement » - ce sont ses mots - rassemblé 1,5 million de votes, contre 4 millions pour les listes Front national de Marine Le Pen.

C’est ainsi que Jean-Luc Mélenchon l’explique dans cet entretien : « Je ne peux plus continuer comme ça [...] J’ai fait mon temps à organiser la vie d’un parti ». Une prise de recul étonnante de la part de la figure charismatique du Parti de Gauche (et du Front de Gauche) depuis sa création en 2008. Mais qui s’explique notamment par les polémiques incessantes avec l’allié communiste, notamment lors des dernières élections municipales : « Tout ça a été planté pour une poignée de postes aux municipales ». Allusion transparente à l’alliance du PCF avec le PS dans certaines villes, alliance refusée par le Parti de Gauche.

Deux lignes qui s’affrontent

Au sein du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon décrit une situation de fait. Car, dans le mouvement coexistent « deux lignes » bien différentes selon l’ancien socialiste : « Celle qui est portée par la direction du Parti communiste, qui est plus institutionnelle, plus traditionnelle, où on continue à penser que la gauche est une réalité partiaire, organisée et qu’on peut rectifier le tir du Parti socialiste. Et puis, il y a une autre qui pense que ça, c’est un monde qui est quasiment clos, qu’il faut construire et qu’on le fera progressivement à condition d’être autonome ». Résultat, par exemple après les municipales : cette stratégie a « complètement décrédibilisé » le Front de Gauche.

Signe ultime de son mal-être, Jean-Luc Mélenchon reconnaît dans cet entretien du « talent » à Marine Le Pen. Pour lui, la présidente du Front national a même « une chance » de s’imposer lors de la Présidentielle de 2017. Explication : « Parce que la société est en train de se diriger vers le point ’qu’ils s’en aillent tous’. Et quand le point ’qu’ils s’en aillent tous’ est atteint, tout saute en même temps ».

Yann Bertrand

22 juillet 2014

* http://www.franceinfo.fr/actu/politique/article/jean-luc-melenchon-la-j-ai-besoin-de-dormir-537643

BESSE DESMOULIERE Raphaëlle, CLAVEL Geoffroy, BERTRAND Yann

Notes

[1] http://www.hexagones.fr/#/article/2014/07/22/je-ne-peux-pas-continuer-comme-cela